confaveyron.org

Déclaration des 84 paysannes de la Confédération paysannes réunies les 16 et 17 novembre 2023 à Montreuil

Nous, paysannes de la Confédération Paysanne

Nous, femmes, représentons la moitié de la population mondiale. En matière d’alimentation, nous assurons les deux tiers du travail mondial, produisons environ 70 % de la nourriture et sommes responsables de plus de 80 % du travail domestique. Notre système alimentaire moderne est bâti d’abord et avant tout sur l’exploitation du travail des femmes qui occupent majoritairement les postes les plus précaires et les moins bien rémunérés de la chaîne alimentaire.

Que nous soyons installées en couple ou non, nous subissons de plein fouet la double domination de classe et de genre et pour beaucoup d’entre nous, une double journée de travail productif et reproductif.

De manière générale, la guerre au vivant est menée par les systèmes capitaliste, patriarcal et raciste. Partout dans le monde, les femmes s’organisent, luttent et construisent d’ores et déjà un autre monde. Les luttes féministes n’ont probablement jamais été aussi massives, intergénérationnelles et diffusées mondialement. La Confédération paysanne doit absolument se positionner de manière encore plus affirmée et approfondir sa transformation féministe.

Dans notre syndicat, la commission femmes existe depuis les années 90. Elle agit pour défendre et faire avancer les droits des paysannes. La commission s’est concentrée sur des revendications majeures comme celle des statuts des actives dont le GAEC entre époux ou encore le droit à un vrai congé maternité et à une retraite digne. Elle a également lutté pour la mise en place d’outils comme la parité au tiers, obtenue en 2002, ou l’écriture inclusive dans les documents de la Conf’. Elle a organisé des formations et appuyé la constitution de groupe en non-mixité choisie pour que la légitimité des femmes soit reconnue.

Malgré ces chantiers et avancées essentiels, force est de constater que le sexisme, le harcèlement, les violences mais aussi les statuts inégaux et bien d’autres sujets sont encore fortement d’actualité, même au sein de notre syndicat. Le constat qui s’impose est que ces outils mis en place ne se suffisent pas à eux-mêmes.

Pour un féminisme militant et populaire

Nous, femmes paysannes et travailleuses de la Terre, membres de la Confédération paysanne et de la Via Campesina affirmons jouer un rôle majeur dans la transformation du monde agricole. Le féminisme paysan et populaire vise à établir une nouvelle relation émancipatrice entre les êtres humains et la Nature en valorisant l’agriculture paysanne. Il s’agit de remettre en question le processus d’exploitation des terres et de l’eau, de l’extractivisme, mais aussi en portant et en accompagnant des luttes fertiles pour la paix, contre l’agro-industrie écocide, la déforestation, contre le nucléaire et l’oppression des peuples.

En tant que paysannes membres de la Confédération paysanne, nous adhérons pleinement à l’idée que toutes les injustices et dominations sont liées. Nous sommes fières de combattre et de déconstruire celles qui pèsent sur le monde paysan, d’ici et d’ailleurs, et qui pèsent sur l’ensemble de la société, bien au-delà de la seule sphère agricole. C’est dans ce sens, que nous œuvrons pour la reconnaissance des droits des paysannes avec ou sans statut, des retraitées, des salariées permanentes, des saisonnières, des personnes exilées. Leur travail jusqu’à aujourd’hui invisibilisé contribue fortement à la viabilité des fermes.

Notre féminisme est écologique, paysan et populaire. Il se veut solidaire des personnes opprimées et exploitées et comprend profondément que l’exploitation des femmes et de leurs corps est intrinsèquement liée à l’exploitation industrielle de la nature et de ses ressources par le capitalisme et le patriarcat. L’écoféminisme paysan et populaire veut avant tout célébrer la vie, notre rapport sensible au monde et nous reconnaître comme vivantes parmi le Vivant, pour amener à une entière valorisation d’une agriculture paysanne, autonome, durable, nourricière, qui régénère les sols et mise sur les alliances et les coopérations inter-espèces.

Notre féminisme appelle les femmes, les minorités de genre et les hommes dans leurs diversités à faire alliance dans ce combat et pour qu’à la Confédération paysanne ce soit le combat de toutes et tous !